Le magazine de France Bluegrass Musique Association vit le jour en 1996 sous le titre "Bluegrass !", puis devint le Bluegrass Times, aujourd'hui animé par François Robert. Voici quelques anciens articles, simples souvenirs ou à relire à la lumière d'aujourd'hui.
15-01-2011
Par François Robert
Bien souvent, les musiciens néophytes qui entendent du bluegrass pour la 1ère fois, ont tendance à dire : « c’est de la musique cowboy ». Erreur fatale. La musique western a bel et bien existé mais a peu de rapport avec la musique laissée en héritage par le regretté Bill Monroe.
La civilisation du Far-West est bien connue, ce n’est pas moi qui vais vous l’apprendre. Elle s’est élaborée dans l’ouest américain autour de l’élevage bovin, mais pendant un temps assez bref – 25 ans – entre 1875 et 1900 ; La musique Cowboy, se fait entendre beaucoup plus tard grâce à l’effet radio et le cinéma. Nous connaissons cette civilisation du Far-West grâce à de nombreux journaux locaux, grâce aussi à de très petites publications à faible tirage qui relataient des faits divers sensationnels en grossissant exagérément des histoires parfois imaginaires qui exaltent l’esprit pionnier.
La vie des cowboys est extrêmement dure et précaire. Beaucoup de travail, une nourriture médiocre, un temps de sommeil insuffisant, un danger physique réel (animaux, Indiens, aventuriers ...), une absence totale de présence féminine, et l’impossibilité d’avoir une vie de famille. C’est dans ses conditions que le chant cowboy essaye de se développer.
Au départ, il y a un poème écrit, traitant de la vie de l’ouest, venant d’un journal local, il va être chanté sur un air connu du répertoire anglo-irlandais. Les cowboys utilisent toujours les 4 ou 5 mêmes airs, sans accompagnement instrumental. Puis, le morceau est appris aux compagnons du cowboy. Il n’y a pas d’instrument, car c’est très difficile de s’en procurer (très cher). Il n’y a que quelques violons ; La guitare, introduite par les Mexicains, ne se répand qu’après 1910. Il n’y a pas non plus vraiment d’endroit pour jouer : pas de salle de danses, pas d’église, pas de rassemblements familiaux. Finalement, le chant ne sert qu’à rompre la monotonie d’un travail harassant.
Dans ces conditions, aucun cowboy n’a vraiment émergé en tant qu’artiste. Surtout qu’il est rarement bon chanteur. Mais il reste quand même quelques dizaines de ballades, sans aucune mélodie originale : The Old Chisholm Trail, Sam Hall, Sam Bass, Streets of Laredo, Little Joe the Wrangler, Jesse James, When the Work’s All Done this Fall, Windy Bill...
Et ces ballades cow-boys vont passer dans le répertoire de la Country Music, mais elles ne se feront connaître que quelques dizaines d’années après le phénomène Far-West, au début des années 30.
Lorsque dans les années 20, les compagnies de disques s’ouvrent aux musiques régionales et s’intéressent à l’Ouest américain, la période Western est finie depuis longtemps et le chant cow-boy est en voie de disparition. Il y a peu d’enregistrement, car le marché pour ce genre de musique est squelettique. Les quelques rares enregistrements qu’on peut qualifier d’authentiquement cowboys (malgré le fait qu’ils sont accompagnés par un instrument de musique) ont été réalisés à destination du public des grandes villes du Nord entre 1925 et 1930, puis vont laisser la place à des versions arrangées et orchestrées, comme les versions de Jimmie Rodgers.
Les principaux interprètes :
Tous ces musiciens n’ont pas connu de vrai succès commercial, mais ces authentiques chanteurs cow-boys ont créé un courant westernien dans le public du disque et introduit l’image du cow-boy chantant avec sa guitare, image qui allait être popularisée par les vedettes du cinéma parlant.
Le Western devient grâce à la littérature et grâce au cinéma un genre en tant que tel. A cette époque, bien des vedettes de l’écran sont de véritables cow-boys et grâce à leurs tenues et à leurs attitudes, ils donnent une image flatteuse du cow-boy (ce qu’attendait les spectateurs).
Le problème, c’est que ces acteurs, s’ils étaient authentiques, n’étaient pas de véritables acteurs, et ils étaient souvent incapables d’interpréter correctement un texte parlé. Un des plus grands noms du western muet, par exemple, Ken Maynard était un excellent cascadeur, mais son premier film parlant sembla si catastrophique aux producteurs, que ces derniers décidèrent de le faire chanter pour masquer ses défauts d’élocution. Le film a eu un succès considérable.
Maynard recommença d’autres films, mais prudents, les producteurs lui adjoignent un acteur qui interprète les scènes sentimentales et chante plusieurs chansons. En 1934, Gene Autry tient ce rôle dans In old Santa Fe, et obtint un succès personnel tel qu’il en éclipse celui de la vedette. C’est Gene Autry qui a véritablement lancé la vogue des cow-boys chantants. Excellent chanteur et bon guitariste, il est compositeur de plus de 500 thèmes depuis la ballade sentimentale jusqu’aux chants des cow-boys de la prairie. Il est très influencé par Jimmie Rodgers qu’il considère comme son père spirituel.
D’autres cow-boys chantants :
- les « Sons of the Pioneers » : groupe vocal avec d’excellents instrumentistes et de superbes harmonies vocales,
- « Roy Rogers » : il a peu de rapport avec les cow-boys du Far-West, mais c’est un excellent guitariste rythmique et c’est un merveilleux yodeler qui a interprété plus de cent westerns. Malheureusement, son œuvre musicale a une tendance à la facilité et à la surcommercialisation.
Dès 1945 le genre s’essouffle, il s’est ouvert beaucoup trop vers les variétés populaires de l’époque. Le western chantant n’est plus adapté à l’Amérique après Pearl Harbour et va connaître une dizaine d’années d’agonie, ponctuée de médiocres productions, souvent bâclées.
Publication originale dans le Bluegrass Times N°83 de Janvier 2011.