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Histoire du Bluegrass français en 33 tours ! Saison 1 – Seconde partie

27-01-2025

Article rédigé par Bertrand Coqueugniot

1977 fut une année pleine de surprises, voyant de nombreuses parutions d’albums et l’apparition d’une nouvelle et talentueuse génération Bluegrass.
Porté par le succès de « Banjo Paris Sessions » Denis Phan fit enregistrer un « Volume 2 ». Déjà, sur le volume 1, se remarquait la présence de jeunes musiciens, Pierre Bensusan à la mandoline, membre des Bluegrass Passengers, Jean-Claude Druot, également des Passengers, Christian Poidevin ou encore Pierre Marinet.
Sur le Volume 2 Pierre Bensusan et Jean-Claude Druot sont toujours présents, et bientôt Pierre entamera une carrière solo qui le verra devenir une figure mondiale de la guitare. Auparavant, en compagnie de Claude Lefebvre et de Gérard Lavigne il accompagnera Bill Keith, laissant sa place dans Bluegrass Passengers à Christian Séguret. Ce dernier le remplacera également dans le groupe de Bill Keith, entamant avec ce dernier une collaboration durable.
Si Jean-Marie Redon est toujours présent sur ce disque, de nouveaux noms apparaissaient, Jean-Marc Andres au banjo et son frère Olivier à la contrebasse, lesquels feront partie de Transatlantic Bluegrass, groupe comprenant également Christian Séguret et Jean Darbois au violon. En 1982 Jean-Marc Andres choisira de partir aux USA, intégrant le groupe de John Herald et poursuivant sa carrière là-bas. Il a par ailleurs développé une technique personnelle pour adapter le Ragtime au banjo 5 cordes. Jean-Marc est un fantastique banjoïste, avec une maitrise de l’instrument tout à fait impressionnante.

Si sur le Volume 1 Bill Keith et Jim Rooney faisaient figure de belle surprise, et sont également présents sur ce Volume 2, un autre tour de force de Denis Phan fut d’avoir la présence de Mike Lilly et Wendy Miller. Ces deux-là étaient des musiciens de premier plan au sein de la scène Bluegrass américaine, et ils apportèrent au Volume 2 une couleur sudiste qui contrebalançait celle, nordiste, de Bill Keith. Disque plus vocal que le Volume 1, on trouve au track-listing des titres comme « Footprint In The Snow », « Blue Moon Of Kentucky », « Old Home Place » ou encore « She’s No Angel ».
Denis Phan organisera par la suite une tournée européenne de Mike Lilly & Wendy Miller accompagnés par Jean-Claude Druot, Christian Séguret et Lionel Wendling, contrebassiste et joueur de pedal steel en provenance du groupe strasbourgeois Gaston Schmurtz Bluegrass Pickers.

Cette même année 77 vit la sortie du premier album de Christian Séguret, « Old Fashioned Love », réalisé artistiquement par Denis Phan. En un rien de temps Christian est devenu une figure majeure du Bluegrass français. Tout d’abord apprenti banjoïste il passa très vite à la mandoline lorsque Bluegrass Passengers recherchait un remplaçant à Pierre Bensusan. En fait Christian est un multi-instrumentiste, maitrisant la guitare avec brio et n’étant pas manchot au violon. C’est aussi et surtout un formidable chanteur, et avec ce premier disque il montre que le Bluegrass n’a plus de secret pour lui. C’est un casting de rêve qu’il a réuni autour de lui, les « Bluegrass friends », lesquels se composent de Bill Keith, Mike Lilly & Wendy Milller, auxquels s’adjoint une présence française de premier ordre : Jean-Marie Redon, Jean-Claude Druot, Dany Vriet, François Vercambre, Hervé de Sainte-Foy, Daniel Olivier et Denis Blanchard au Dobro, ces deux derniers faisant partie de Bluegrass Matinée.
Tout du long Christian se révèle être un interprète étonnant et il est évident que ses différentes expériences américaines lui ont permis de maitriser une interprétation qui n’a plus rien de copie française. De « I Wonder Where You Are Tonight » à « Some Old Days » c’est un voyage dans le plus pur des Bluegrass que ce disque propose, marquant l’histoire du Bluegrass français de son empreinte.

1977 toujours est une année où la mandoline est à l’honneur puisque les disques « Le Chant du Monde » proposent un « Spécial Instrumental » lui étant consacré, intitulé « La Mandoline Américaine ». C’est avec plaisir que l’on a découvert cet album bien légitime de Mick Larie, expert reconnu de cet instrument avec un style bien à lui, notamment avec son « Cross Picking » légendaire inspiré par Jesse Mc Reynolds.
Entouré de musiciens chevronnés, Jean-Marie Redon, Dany Vriet, Hervé de Sainte-Foy, Jean-Louis Mongin Mike Lilly & Wendy Miller, Claude Lefebvre, Patrick Moulou et Philippe Angrand, Mick propose un tour d’horizon du pays de la mandoline, à commencer par Bill Monroe bien évidemment, et passant par Jesse Mc Reynolds, Franck Wakefield, entre autres. Au milieu de « Bluegrass Breakdown », « New Campton Races », ou encore « Kentucky Mandolin » on trouve le titre tour de force définitivement associé à Mick, le célèbre « Daybreak in Dixie » ! Incluant des tablatures, ce fut une bible pour tous les mandolinistes ! Plus qu’un musicien, Mick Larie fut l’un des personnages incontournables du mouvement Bluegrass.
C’est avec une grande tristesse que Mick nous a prématurément quittés, mais son nom restera définitivement associé à l’histoire du Bluegrass, et pas que français, que ce soit à la mandoline, ou avec son humour dévastateur !

Cela faisait un moment que l’on attendait un album de Long Distance et c’est enfin chose faite en 1977 avec la sortie de « Bluegrass ». Si effectivement à leurs débuts le groupe s’appelait Bluegrass Long Distance, il joue maintenant du mot Bluegrass, que ce soit dans le nom de la formation ou en titre de cet album. Par la suite tout le monde les appellera Long Distance.
Le line-up s’est stabilisé autour de Mick Larie, Jean-Marie Redon, Jean-Louis Mongin, Dany Vriet et Hervé de Sainte-Foy (on note l’invité Henri Serre que l’on retrouvera plus tard) et il est une évidence que Long Distance a élargi les couleurs de son répertoire. Si des classiques Bluegrass comme « Gold Rush », « Rank Stranger » ou encore « Turkey In The Straw », si les instrumentaux de Jean-Marie et de Mick nous rappellent quels formidables musiciens ils sont, en cela superbement secondés par Danny Vriet, l’influence probable de Jean-Louis Mongin se fait sentir, avec des titres plus orientés Country/Country Rock et des chansons comme « Mama Hated Diesel » ou « Truck Driving Man », voire Cajun avec « Diggy Diggie Lo ».
Avec ce disque Long Distance rappelle qu’ils sont là et bien là, et leurs collaborations diverses (Marcel Dadi, Joe Dassin) en font le groupe de référence qui en a influencé plus d’un.
Ils publieront par la suite deux 45 tours inédits, « Encore un verre/Routier », (1978) et « Lâche pas la patate/Boogie Woogie en 1980, le français étant sans nul doute une volonté d’élargir leur audience.

La seconde moitié des années 70 a été foisonnante d’activités de la part des musiciens français, et c’est toujours en 1977 que parait l’album de Wells Fargo.
Au casting, des noms connus : Christian Poidevin (basse et lead vocal), Gérard Vandestoke (banjo), Jean-Yves Lozach (pedal steel) en guest, et des nouveaux, Philippe Angrand (guitare), et le guitariste Patrick Moulou dont le jeu en lead guitar a impressionné tout le monde. Patrick publiera plus tard, en association avec Claude Lefebvre, une méthode de guitare Bluegrass.
L’album s’appelant “Bluegrass & Country-Rock”, il n’est pas surprenant qu’un batteur soit adjoint au groupe, la musique évoluant entre acoustique et électrique. Le répertoire va de reprises de classiques Bluegrass, « Don’t Let Your Deal go down », « Dark Hollow », « There Is A Time », à de très belles versions de titres phare du répertoire Country, « Buy For Me The Rain » ou encore « Mister Bojangles » superbement chanté par Christian Poidevin.
Cet album fut une belle surprise à l’époque, il bénéficia d’ailleurs d’une communication sérieuse de la part de leur maison de disques RCA, aboutissant à des ventes peu habituelles pour ce style de musique. Wells Fargo aura malheureusement une existence courte, mais cet album a planté des graines qui fleuriront plus tard.

Une expression consacrée dit : « Et à l’est, rien de nouveau ? ». Eh bien si, à l’est il y a eu du nouveau en cette année 1978, à Strasbourg plus précisément. Le groupe Gaston Schmurtz Blue Grass Pickers, dont on avait déjà entendu parler, sort son album intitulé « La Ligne Blue des Vosges ». Rien que ce nom déjà laisse augurer que l’humour va être au rendez-vous et les notes de pochette sont désopilantes ! Enregistré en public, on découvre tout le talent des musiciens et, je le redis, leur humour ! Les commentaires entre les chansons provoquent l’hilarité du public, comme celle des auditeurs de ce LP.
Les noms des musiciens ne figurent pas sur la pochette, mais aidé par mes souvenirs et quelques recherches sur le net, j’ai pu identifier Jean-Paul Puccio au banjo, Jean-Paul Raffin à la guitare, Chris Elsass au dobro et Lionel Wendling à la contrebasse, liste sans doute non complète. Toute info complémentaire est la bienvenue !
Lionel Wendling va faire ensuite une belle carrière, à la contrebasse en participant à un bon nombre de disques (Banjo Paris Sessions, Album de Christian Séguret), et de prestations scéniques (Mike Lilly & Wendy Miller, Tony Trischka, Christian Séguret), mais c’est surtout au pedal steel qu’il va acquérir ses titres de noblesse, devenant un éminent spécialiste de cet instrument quelque peu tortueux et partant aux USA où il y multipliera les collaborations.
Ce disque des Gaston Schmurtz fut produit par Roger Siffer, figure notoire de la scène folk alsacienne et très actif à cette époque-là.

Cette décennie discographique du Bluegrass français s’achève avec la publication en 1979 du premier album solo de Jean-Marie Redon, « Banjoistiquement Vôtre… ». À tout seigneur tout honneur, les invités sont de marque : Bill Keith, Jim Collier, Kenny Kosek, Pierre Bensusan, Claude Lefebvre, Christian Séguret, ainsi que la bande de Long Distance : Mick Larie, Jean-Louis Mongin, Dany Vriet et Henri Sere. Excusez du peu ! La réalisation artistique étant assurée par Denis Phan.
La liste des titres fait la part belle aux compositions de Jean-Marie, agrémentée de reprises de bon goût : « Shenandoah Valley Breakdown », « Dixie Hoedown » ou encore « Dusty Miller ».  Et c’est à juste titre que Jean-Marie Redon est internationalement considéré comme l’un des maitres du banjo et mis à l’honneur dans le livre de Tony Trischka et Peter Wernick « Masters of the 5-String Banjo ». Au fil des années Jean-Marie a su intégrer le jeu à la Scruggs ainsi qu’un style plus moderne à la Bill Keith, tout en affirmant une personnalité musicale originale qui lui vaut le respect de tous. Dire qu’il a été une influence majeure pour les banjoïstes en herbe, à commencer par votre serviteur, est une évidence ! Ses ouvrages, dont l’un en collaboration avec Bill Keith, ont figuré en bonne place sur les tables de chevet de quantités d’apprentis.
Cet album qui fera date, le premier disque solo d’un banjoïste français, est une totale réussite, et également un « collector », la maison de disque Cezame ayant malheureusement déposé le bilan peu de temps après sa sortie.

 

Références discographiques

Long Distance « Bluegrass »: Cezame CEZ 1033 - 1978
Long Distance “Singles »: Cezame CEZ 507 & CEZ 510 - 1980
Wells Fargo « Bluegrass & Country-Rock »: RCA PL 37038 - 1977
Gaston Schmurtz Bluegrass Pickers « La ligne bleu des Vosges » : SB 277 002 - 1978
Jean-Marie Redon « Banjoistiquement Vôtre… » : Cezame CEZ 1048 - 1979

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